L'évolution des peines prononcées à la suite d'infractions délictuelles permet de tordre le cou à certains clichés sur le prétendu laxisme de la justice pénale. Au-delà des chiffres (source Infostat Décembre 2017, Ministère de la Justice), il semble urgent d’entamer une profonde réflexion sur notre système répressif qui ne semble avoir pour conséquence qu'une augmentation des peines d'emprisonnement ferme.
A titre liminaire, il importe d'observer que les condamnations délictuelles sur la période considérée est en forte augmentation. Cette progression ne repose pas nécessairement sur une augmentation du nombre d'infractions commises, mais sur la multiplication des contrôles effectués par la Police ou la Gendarmerie qui entraîne mécaniquement un accroissement de la réponse pénale.
Ainsi, le contentieux portant sur les infractions à la législation sur les stupéfiants est en augmentation de 111% en 12 ans.
De même, le contentieux routier est en forte augmentation puisqu'il représente 43 % de l'ensemble des condamnations délictuelles. On notera sur ce point que le durcissement de la législation renforce cette évolution puisque certaines contraventions sont devenues des délits (défaut de permis de conduire, défaut d'assurance automobile, blessures involontaires par un conducteur ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours, ...)
On notera par ailleurs que les circuits procéduraux mis en œuvre par le Ministère Public afin de sanctionner les délits n'est pas sans incidence sur les peines qui seront prononcées.
Afin de faire face à cette très forte augmentation de procédures délictuelles, le Parquet a très largement recours aux alternatives à l'audience. Ainsi, l'Ordonnance Pénale – qui ne permet pas de prononcer de peine d'emprisonnement - représente aujourd'hui 30% des condamnations pénales, de sorte que l'amende est devenue la peine la plus couramment prononcée pour sanctionner un délit. En 2016, cette procédure simplifiée concernait à hauteur de 55 % des délits routiers et à hauteur de 38 % des infractions à la législation sur les stupéfiants.
Les Comparutions sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC), lesquelles sont parfois utilisées après un déferrement, représentent quant à elle 15 % du volume global des condamnations prononcées. La nature des délits susceptibles d'être concernés par cette procédure est en augmentation constante et les peines homologuées (plafonnées à une année d'emprisonnement ferme) représentent 7% de peines d'emprisonnement comprenant une partie ferme.
Conséquemment, les audiences correctionnelles (55 % du volume), concentrent les délits les plus graves. La peine encourue moyenne est passée de 4 à 5 ans sur la période de 2004 à 2016.
Les condamnations prononcées en état de récidive légale sont également en forte augmentation depuis 2004, puisqu'elle est passée de 7 % à 13 %. On peut légitimement penser que cette augmentation repose très largement sur le choix de l'autorité de poursuite de viser la récidive légale, bien plus que sur une augmentation des situations objectives de récidive légale dans la mesure où le taux de réitération reste stable (27 %).
En effet, les Parquets ont été amenés à faire retenir l'état de récidive légale de façon systématique dans les contentieux routiers (l'annulation du permis de conduire étant de plein droit notamment en cas de conduite en état alcoolique en récidive) ou sous l'effet de la législation sur les peines plancher, abrogée en 2014.
Par ailleurs, la Loi du 12 décembre 2005 a étendue les possibilité de mise en œuvre de la récidive légale s'agissant des infractions de violence.
La Loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009 portant à deux ans le seuil des peines d'emprisonnement fermes susceptibles d'être aménagées (contre 1 an en cas de récidive légale) n'est sans doute pas étranger à ce choix de politique pénale.
Ainsi, la part des personnes poursuivies en état de récidive légale est ainsi passée de 16 % à 33%, et la part de détenus exécutant une peine consécutive à une condamnation en état de récidive légale est passée de 53 % à 62 % sur la même période.
L'évolution cumulée de ces facteurs (multiplication des contrôles routiers, création de délits en lieu et place de contraventions, poursuites en état de récidive légale, …) n'est bien évidemment pas sans incidence sur les peines prononcées par les Tribunaux Correctionnels.
Sur ce point, de nombreux records sont battus.
Le quantum moyen des peines d'emprisonnement ferme par les tribunaux correctionnels s'élève actuellement à 8 mois et 6 jours (contre 7 mois et demi en 2004). Conjugué à une augmentation constante des peines d'emprisonnement ferme, porte le nombre d'années d'emprisonnement cumulées actuellement purgé par les détenus à 87 300 années (contre 66 100 années en 2004).
Si la stabilité des condamnations supérieures à 2 ans (insusceptibles d'aménagement ab initio, environ 4%) et supérieures à 5 ans (environ 1%) restent stables, la part des peines d'emprisonnement ferme dont le quantum est compris entre 4 mois et 1 an est en expansion (de 31% à 38% sur la période considérée).
On ne peut que s'interroger sur l'efficience réelle de ces courtes peines d'emprisonnement, dans la mesure où elles entraînent trop souvent une désocialisation du condamné (risque de perte de logement, perte d'emploi, …) et conséquemment de limiter efficacement le risque de réitération. La question du coût des détenus sur les Finances Publiques du nombre de détenus devrait également inviter à réfléchir sur d'autres modalités de répression des délits, comme au développement des moyens humains et économiques consacrés aux services d'insertion et de probation.
Vous êtes convoqués devant le Tribunal Correctionnel ? Prenez contact avec un avocat.