Les effets du sous-dimensionnement des moyens accordés aux ARPEJ.
Depuis plusieurs mois, le transfert des justiciables entre le lieu d'incarcération et les Palais de Justice n'est plus assuré par des fonctionnaires de police ou par la gendarmerie nationale, mais par l'Administration Pénitentiaire. Comme cela était prévisible, les moyens accordés à ces Autorités de Régulation et de Programmation des Extractions Judiciaires (ARPEJ) sont loin d'être suffisants, ce qui n'est pas sans incidence sur la régularité des procédures.
Une personne est mise en examen pour des faits de séquestration et infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive. Elle comparaît devant le Juge des Libertés et de la Détention pour que celui-ci statue sur son éventuel placement sous mandat de dépôt.
Le mis en examen sollicite un délai pour préparer son argumentation dans le cadre de ce débat contradictoire. Conformément aux termes de l'article 145 alinéa 7 du Code de Procédure Pénale, le Juge des Libertés et de la détention rend une Ordonnance d'Incarcération Provisoire et fixe le débat contradictoire au lendemain (ledit débat devant se tenir sous 4 jours, à défaut le justiciable est nécessairement remis en liberté).
Le Juge des Libertés et de la Détention prend immédiatement contact avec les services de l'ARPEJ afin que ceux-ci assurent l'extraction du détenu. Comme souvent, l'administration pénitentiaire indique qu'elle ne dispose pas d'effectif mobilisable pour assurer le transfert du détenu au Palais de Justice. Malgré une réquisition en ce sens, la Gendarmerie Nationale indiquera également ne pas être en mesure de se charger de l'escorte.
Le mis en examen refusant par ailleurs que le débat contradictoire se déroule en visio-conférence, le Juge des Libertés et de la Détention considérera que l'impossibilité d'assurer le transfert du détenu constitue une circonstance insurmontable de nature à lui permettre de rendre une Ordonnance de Placement en Détention Provisoire.
Saisie d'une requête en nullité, la Chambre de l'Instruction annulera cette ordonnance et ordonnera par ailleurs la remise en liberté du détenu, considérant qu'il n'existe pas en l'espèce de démonstration d'un caractère insurmontable de nature à faire obstacle à un débat contradictoire.
Saisie d'un pourvoi par le Procureur Général près la Cour d'Appel de Lille, la Cour de Cassation a confirmé la position retenue par la Chambre de l'Instruction.
En effet, suivant arrêt rendu en date du 05 octobre 2016 (n° de pourvoi 16-84629), la Chambre Criminelle est venue préciser que « l'existence de circonstances insurmontables ne pouvant se déduire de la seule affirmation par les services en charge des extractions judiciaires d'une absence de moyen mobilisable à la date prévue pour le débat, sans autre explication sur les circonstances particulières, imprévisibles et insurmontables, seules de nature à justifier un tel manquement à leur mission ».
Les moyens limités accordés aux ARPEJ ne peuvent donc à eux-seuls caractériser l'existence d'une circonstance insurmontable permettant au Juges de Libertés et de la Détention de rendre une Ordonnance de placement en détention provisoire sans débat contradictoire préalable.
On notera au surplus que le choix du justiciable de refuser que le débat contradictoire se tienne par visio-conférence ne saurait pas non plus caractériser cette circonstance insurmontable.
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