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Quelle autonomie pour le préjudice d'angoisse liée à une mort imminente ?

Le 30 octobre 2017
Quelle autonomie pour le préjudice d'angoisse liée à une mort imminente ?
Analyse comparée des décisions récentes de la Chambre Criminelle et de la 2è Chambre Civile de la Cour de Cassation.
La nomenclature DINTILHAC ne constituait pas dans l'esprit de ses rédacteur un cadre rigide, mais avait pour objectif une harmonisation des critères d'indemnisation du préjudice corporel. En effet, le rapport précisait «qu'il demeure indispensable de laisser une place importante à l’office du juge (ou de l’organe d’indemnisation) qui est seul habilité à reconnaître au cas par cas l’existence de tel ou tel poste de préjudice en fonction de chaque victime ».
 
Cette place laissée à l'office du Juge semble quelque fois fluctuante au regard des dernières décisions rendues par la Cour de Cassation, s'agissant notamment du préjudice d'angoisse liée à une mort imminente.
 
Aux termes d'un arrêt rendu en date du 23 octobre 2012 (Crim. 23 octobre 2012, n° de Pourvoi 11-83770), la Cour de Cassation avait consacré l'autonomie de se poste de préjudice par rapport aux souffrances endurées, lesquelles sont expressément visées dans le cadre de la nomenclature DINTILAHC.
 
Ainsi, aux termes de cette décision la Chambre Criminelle rejetait un pourvoi estimant que « sans procéder à une double indemnisation, La Cour d'Appel avait évalué séparément les préjudices distincts constitués par les souffrances endurées du fait des blessures et par l'angoisse d'une mort imminente ».
 
Ainsi, les souffrances physiques et psychologiques constitutives des souffrances endurées ne se confondent pas avec le préjudice d'angoisse liée à une mort imminente. Cette situation permet une indemnisation cumulative des ces préjudices distincts.
 
Par cet arrêt, la Cour de Cassation ouvrait la porte à une indemnisation tenant véritablement compte des spécificités de certaines situations, au détriment peut-être d'une certaine harmonisation.
 
Au contraire, la jurisprudence de la 2è Chambre Civile de la Cour de Cassation peut être perçue comme « Le Gardien du Temple ». Les décisions rendues sur l'éventuelle autonomie de certains postes de préjudices au regard de la nomenclature DINTILHAC laissent assez peu de place à une certaine forme de créativité.
 
En effet, la 2è Chambre Civile a censuré tour à tour l'autonomie d'un préjudice moral exceptionnel (Civ. 2è, 05 février 2015, n° de Pourvoi 14-10097), du préjudice d'avilissement (Civ. 2, 05 mars 2015, n° de Pourvoi 14-13045) ou encore du préjudice d'agrément temporaire (Civ. 2, 02 juillet 2015, Pourvoi n°14-19481).
 
En application de ces arrêts, si la réalité des préjudices peut être démontrée, leur valorisation doit être intégrée aux postes indemnitaires définis aux termes de la nomenclature DINTHILAC.
 
Alors qu'aux termes d'un arrêt rendu en date du 27 septembre 2016, la Chambre Criminelle précisait les contours de la notion de conscience nécessaire à l'indemnisation d'un préjudice d'angoisse lié à la mort imminente (Crim., 27 septembre 2016, n° de Pourvoi 15-83309), la 2è Chambre Civile en contestait le principe d'autonomie, dans le droit fil de sa jurisprudence.
 
Ainsi, suivant un arrêt en date du 02 février 2017 (Civ. 2, 02 février 2017, n° de Pourvoi 16-11411), la 2è Chambre Civile retenait que «  le préjudice lié à la conscience de sa mort prochaine, qualifié dans l'arrêt de préjudice d'angoisse de mort imminente, ne peut être indemnisé séparément [du poste lié aux souffrances endurées] »
 
Cette analyse n'est pas liée à une quelconque spécificité des faits de l'espèce dans la mesure où ellevient d'être confirmée aux termes d'un arrêt du 14 septembre 2017 (Civ. 2, 14 septembre 2017, n° de pourvoi 16-22013).
 
Cette différence d'appréciation sur la possibilité de s'extraire du cadre fixé par la nomenclature DINTILHAC n'est pas sans incidence sur la méthode d'évaluation des préjudices selon que ceux-ci doivent s'apprécier de manière autonome ou, au contraire, qu'il ont vocation à majorer la valorisation des postes indemnitaires traditionnels.
 
En l'état, la discordance entre la Chambre Criminelle et la 2è Chambre Civile crée une distinction entre la présentation des préjudices subis devant les juridictions pénales ou les juridictions civiles, parmi lesquelles la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions.
 
Une clarification de la situation par un arrêt d'Assemblée Plénière, a minima sur la question du préjudice d'angoisse liée à une mort imminente ou plus généralement sur la possibilité pour les juridictions de s'extraire (ou non) du cadre posé par la nomenclature DINTHILAC paraît s'imposer.
 
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