Le difficile équilibre entre la sécurité de la population et la protection des droits individuels.
En application de la Loi n°2003-239 du 18 mars 2003, le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG) entrait dans notre système juridique. Son régime pourrait prochainement être remanié au regard d'une récente condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH).
Afin de rendre plus efficient l'identification de suspects, la Loi de 2003 a automatisé le prélèvement de l'ADN de condamnés comme de mis en cause pour alimenter un fichier des empreintes génétiques. Ce fichier, initialement conçu comme une aide aux enquêtes portant sur des infractions sexuelles pour lesquelles l'identité de l'auteur n'avait pas pu être être établie, va peu à peu s'étendre à d'autre types d'infractions.
En effet, la liste des crimes et délits visés à l'article 706-55 du Code de Procédure Pénale pour lesquels une prise d'empreinte génétique devra être réalisée va s'allonger de façon extrêmement importante.
Aujourd'hui, elle comprend notamment les délits de dégradations, les menaces d'atteintes aux biens ou la détention prohibée d'armes.
Si le prélèvement ne peut se faire que sous réserve du consentement de la personne concernée, la Loi a pénalisé le refus de prélèvement ADN et ainsi accroître de façon exponentielle l'étendue du FNAEG.
L'article 706-56 II du Code de Procédure Pénale précise que « le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique prévu au premier alinéa du I est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Lorsque ces faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ».
Ce texte précise en outre que ces peines se cumulent sans possibilité de confusion avec celles qui pourraient être prononcées au titre de l'infraction principale.
Aujourd'hui, ce fichier comprend plus de 2.500.000 profils génétiques.
Au-delà du fichage généralisé dès le stade de l'enquête, lequel peut être réalisé de façon autonome par les enquêteurs auprès de « toute personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait commis l'une des infractions visées à l'article 706-55 », le régime juridique du FNAEG est particulièrement rigide.
En effet, aux termes de l'article 706-55 alinéa 2, la Loi dispose que « Les empreintes sont effacées sur instruction du procureur de la République agissant soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier »
Si dans le cadre d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC 2010-25) le Conseil Constitutionnel avait déclaré conforme à la Constitution le régime juridique du FNAEG, il émettait néanmoins une réservesur la nécessité « de proportionner la durée de conservation de ces données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées »
Force est de constater qu'aucune suite sérieuse n'a été donné à cette réserve, d'autant qu'aux termes de l'article R. 53-14 du Code de Procédure Pénale il est précisé que « Les informations enregistrées ne peuvent être conservées au-delà d'une durée de quarante ans », cette durée s'analysant en pratique bien plus comme une norme que comme un maximum.
Si l'on peut comprendre les impératifs de sécurité publique en jeu, le régime juridique du FNAEG ne peut s'affranchir totalement de la protection du droit à la vie privée des justiciables. C'est ce que vient rappeler à l'unanimité les Juges de la CEDH dans un arrêt rendu en date du 22 juin 2017 (requête n°8806/12)
Si le refus d'accepter un prélèvement ADN en vue d'un fichage au FNAEG reste constitutif d'un délit dont les contours devraient prochainement évoluer pour les rendre compatibles avec le droit à la protection de la vie privée telle que définie à l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
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