L'épidémie de coronavirus (Covid 19) a amené le Président de la République a restreindre la liberté d'aller et de venir dans l'espace public, de sorte que seuls les déplcaments indispensables pour l'individu (soins, achat de première nécessité, activité physique à ^proximité du domicile…) ou pour la collectivité (notamment les déplacements professionnels ne pouvant être différés) sont autorisés, sous réserve de pouvoir en justifier. Ce confinement a pour but de limiter la propagation de la pandémie afin que les services de soins ne soient pas saturés.
Le confinement « de fait » dans les établissements de l'administration pénitentiaire doit être géré de façon différenciée de façon a éviter une hécatombe.
Le Garde des Sceaux a indiqué que 10.000 masques seraient prochainement distribués en prison.
Il ne s'agit pas de « favoriser » les détenus par rapport à d'autres groupes dans la population, notamment les soignants, mais de prendre en compte la situation juridique des détenus.
Par ailleurs, Adeline HAZAN, Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté recommandait de limiter la population carcérale à sa capacité d'accueil réelle.
Certains internautes ont cru devoir remettre en cause ces positions sur des arguments qui traduisent leur ignorance du monde carcéral.
Au 1er octobre, la France comptait 78.818 détenus, pour une « capacité opérationnelle » de 61.065 places (source : statistique du Ministère de la Justice). Au delà de ces chiffres bruts, qui ne permettent pas saisir la réalité de la surpopulation carcérale, la densité sur les seules maisons d'arrêt (lesquelles ont vocation a accueillir les détenus condamnés à des courtes peines d'emprisonnement ou les prévenus, au nombre d'environ 20.000, qui sont en attente de jugement) s'élève à 138 %.
Plus encore, sur les 266 établissements ou quartiers, 48 ont une densité supérieures à 150% et pour 7 d'entre eux, la densité dépasse les 200 %.
Cette surpopulation structurelle, qui repose non sur un investissement immobilier insuffisant, mais sur une politique pénale coûteuse fondée sur le « tout carcéral » alors que les moyens accordés aux aménagements sont notoirement insuffisant, rend le confinement sanitaire illusoire.
Il n'est pas exact de considérer que les recommandations de Mme HAZAN visent à remettre en liberté des criminels récidivistes dangereux pour la collectivité. C'est occulter le fait que chaque année, environ 90.000 peines d'emprisonnement ferme de 06 mois ou moins sont prononcées par les juridictions répressives. Parmi ces condamnations, 25 % concernent des délinquants de la route.
Chaque jour, de nombreux détenus sont « en fin de peine » et sortent de détention alors même que, compte tenu de leurs conditions d'incarcération les conduisant à une promiscuité absolue, il existe une probabilité importante qu'ils aient contracté le virus et diffuse à leur entourage familial.
De même, il n'est pas sérieux de considérer que, parce qu'il s'agit du milieu carcéral, les individus doivent nécessairement bénéficier d'une protection moindre.
D'une part, parce que la peine d'emprisonnement n'emporte que la perte temporaire de la liberté d'aller et de venir. Il ne saurait avoir pour corollaire une perte d'accès aux soins autre que celle inhérente aux limites objectives du système de santé en détention.
Le détenus ne sont pas des sous-hommes réduits à leur situation juridique.
D'autre part, parce que le quotidien de la détention ne concerne pas que les détenus. D'aucuns semblent assez vite oublier que la détention concerne aussi les personnels relevant de l'administration pénitentiaire qui sont en contact régulier les uns avec les autres.
La surpopulation carcérale et l'incapacité de l'État a assurer un encellulement individuel aux détenu est n'est plus une simple problématique liée à la protection des droits individuels, elle devient une hérésie potentialisant les effets de contamination de la collectivité en cas de pandémie.
L'urgence sanitaire doit aujourd'hui conduire à la décroissance carcérale, tant par un aménagement massif des peines d'emprisonnement que par une limitation des procédures de comparution immédiate.Surtout que depuis une réforme constitutionnelle de 2018 le Président de la République ne peut plus signer des décrets de grâce collective.