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Les limites de la mise en danger d'autrui en cas de manquement au confinement

Le 20 mars 2020
L'interdiction de déplacement en dehors du domicile, prévue par le Décret du 16 mars 2020 et réprimée par une peine d'amende de 135 €. Peut-on considérer qu'il y aurait aussi une "mise en danger de la vie d'autrui" ?

Aux termes du décret 2020-260 du 16 mars 2020, le Premier Ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, à l'exception de 5 situations précises liées à la situation professionnelle ou personnelle de l'individu jusqu'au 31 mars 2020. Alors que 3 exceptions supplémentaires, en lieu avec les exigences d'une présentation aux autorités militaires ou administratives, viennent d'être précisées, force est de constater que certains déplacements non-autorisés se poursuivent, en dépit du risque d'infection au virus covid19. Comment sanctionner ces comportements ?


Le prise de conscience de la dangerosité du virus a très largement participé à un confinement important de la population à domicile.


Afin de rendre ces mesures de santé publique plus efficientes, le Décret 2020-264 du 17 mars 2020 réprime d'une amende de 135 € la violation de l'article 1er du Décret du 16 mars 2020. Les constatations d'infraction par les forces de l'ordre et la verbalisation de contrevenants ont vraisemblablement encouragé quelques récalcitrants a rester chez eux.


Néanmoins, force est de constater que la sanction pécuniaire a ses limites pour certains individus qui continuent a refuser toute restriction dans leur vie quotidienne, malgré les risques pour leur santé et celle de leur entourage.


Si l'on peut comprendre que la question d'une modification des modalités de répression puisse se poser en raison de ces comportements, certains Parquets ont choisi de modifier leur politique pénale et de permettre un placement en garde à vue sous la qualification de « mise en danger d'autrui ».


Cette situation pose question.


Sur le plan juridique, d'une part.


L'article 223-1 du Code Pénal précise que : « Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ».


Le comportement de ceux qui refusent de respecter les termes du Décret du 16 mars 2020 est-il pour autant constitutif du délit de « Mise en danger de la vie d'autrui » ?


Si la léthalité de l'infection virale n'est hélas pas a démontrer, cela suppose néanmoins que l'individu mis en cause ait connaissance du risque qu'il fait peser sur les autres parce qu'il se saurait porteur du virus. Or, en France, les autorités sanitaires ont fait le choix de réserver les test de positivité au coronavirus aux seuls patients présentant des signes cliniques graves.


De même, la mise en danger d'autrui ne saurait être constituée en l'espèce si le mis en cause se déplace seul dans l'espace public. En l'absence de contact avec un tiers, il ne peut être un vecteur de contamination.


Reste également le cas des sans-domicile fixe. Bien que n'étant pas en mesure de rester confinés faute d'hébergement, ils ont pourtant été verbalisés...


Sur le plan sanitaire, d'autre part.


Les locaux de Garde à Vue génèrent par leur nature et leur fonction une inévitable promiscuité. Ils ne sont en outre pas équipés en matériels de protection pour lutter contre le développement de la pandémie.


Le cas échéant, on pourrait également considérer que ce sont les conditions sanitaires dans lesquelles la garde à vue s'est déroulée qui ont pu entraîner la contamination.


La mesure de garde à vue est strictement encadrée par la Loi et le simple recours à cette mesure dans cette situation soulève des interrogations. En tout état de cause, elle ne saurait constituer un quelconque pis-aller, faute de textes adaptés pour réprimer efficacement des comportements difficilement acceptables et relevant de la simple contravention.


La question se pose d'autant plus qu'à l'issue de ces placements en garde à vue, les personnes concernées ont été laissées libres ou ont été convoquées en vue d'un rappel à la Loi.


Si toutefois le non-respect des strictes mesures de confinement devaient perdurer, la création d'un délit spécifique – avec des sanctions financières plus importantes, et notamment une peine d'emprisonnement – pourrait apparaître au sein de notre Code Pénal.


Vous êtes placés en garde à vue ? Prenez contact avec un avocat.