Les fondements légaux concurrents des articles 266 et 1382 du Code Civil
Hors les cas de divorce par consentement mutuel (article 230 du Code Civil, par lequel les époux s'entendent sur le principe comme sur l'ensemble des conséquences du divorce) et de divorce sur acceptation du principe de la rupture du mariage (article 233 du Code Civil par lequel les époux s'entendent sur le principe du divorce, laissant le juge apprécier les conséquences à donner aux désaccords persistants ), la question des dommages et intérêts peut avoir à se poser. Les réponses pouvant être apportées se distinguent selon le fondement juridique sur lequel les prétentions seront fondées.
En matière de divorce, la Loi dispose qu'en cas de divorce pour faute prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, le conjoint peut valablement faire valoir une demande indemnitaire. Celle-ci viendra en complément d'une éventuelle prestation compensatoire, laquelle n'a pas pour objet la réparation d'un préjudice.
Cette faculté de faire valoir une demande de dommages et intérêts est également ouverte à l'époux qui n'est pas à l'origine d'une procédure de divorce par altération définitive du lien conjugal et qui n'aurait pas fait de demande reconventionnelle.
En effet, aux termes de l'article 266 du Code Civil, la Loi dispose que « Sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage (...) »
Ce texte a un champ d'application particulièrement réduit puisqu'il doit porter sur la réparation des conséquences « d'une particulière gravité » (c'est à dire qui excèdent celles affectant toute personne placée dans la même situation)
La jurisprudence a ainsi pu considérer que ne constituait pas une situation d'une « particulière gravité » l'époux qui quittait son conjoint après 39 ans de mariage dans des conditions difficiles et pour rechercher une nouvelle compagne (Cass Civ. 1ère, 1er juillet 2009).
Au surplus, l'article 266 du Code Civil ne peut indemniser que les conséquences nées « de la dissolution du mariage ». Conséquence de ce champ d'application particulièrement restrictif, la Cour de Cassation a pu considérer que l'article 266 du Code Civil ne pouvait valablement fonder une demande indemnitaire liée à la naissance d'enfants adultérins.
On doit donc considérer que si l'article 266 du Code Civil ne peut concerner que les prétentions « d'une particulière gravité » nées « de la dissolution du mariage », l'article 1382 du Code Civil est susceptible d'être invoqué pour justifier toute demande indemnitaire fondée sur une autre cause.
En effet, l'article 1382 du Code Civil a un champ d'application beaucoup plus large puisqu'il précise que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Il y a donc lieu de distinguer le fondement juridique celui le type de préjudice dont il est demandé réparation.
On peut néanmoins se demander comment s'articulent ce double fondement juridique lorsque, par exemple le dommage dont il est demandé réparation et né « de la dissolution du mariage » mais ne peut être considéré comme caractérisant une « particulière gravité », ne répondant ainsi que partiellement aux exigences de l'article 266 du Code Civil.
La Cour de Cassation vient de donner une réponse à ce cas de figure en considérant qu'en pareille hypothèse, une demande de dommages et intérêts pouvait être faite sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil. (Civ. 1è, 28 mai 2014, n° de Pourvoi 13-15793)
La question de la pertinence de ce double fondement juridique pour fonder une demande de dommage et intérêts en cas de divorce se pose désormais avec une particulière acuité.
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