Dans un arrêt rendu en date du 14 octobre 2014 (Numéro de pourvoi 13-87636), la Chambre Criminelle vient appliquer de façon stricte les textes applicables à la computation des délais en matière de récidive légale. La combinaison des dispositions légales applicable en la matière peut avoir des résultats surprenants...
Pour être visée à l'occasion des poursuites, voire sollicitée à l'audience par le Ministère Public, la récidive légale suppose, après une première condamnation devenue définitive, la commission d'une nouvelle infraction portant sur des faits identiques ou assimilés.
Il s'ensuit que le point de départ de la récidive, est la date à laquelle la décision rendue par le Tribunal Correctionnel est devenue définitive, soit à expiration du délai d'appel du Parquet Général (20 jours) défini à l'article 505 du Code de Procédure Pénale.
La difficulté ne réside ni sur la notion de « faits identiques ou assimilés », ni même sur les effets à savoir principalement le doublement des peines encourues (article 132-10 du Code Pénal). En matière de récidive légale délictuelle, la problématique porte bien plus souvent sur la date à laquelle le condamné ne peut plus être poursuivi en état de récidive légale.
Plus exactement, aux termes de l'article 132-10, la Loi dispose que :
« Lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement pour un délit, commet, dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, soit le même délit, soit un délit qui lui est assimilé au regard des règles de la récidive, le maximum des peines d'emprisonnement et d'amende encourues est doublé ».
L'expiration de délai de récidive légale n'est pas un délai de 5 ans après que la décision soit devenue définitive, mais 5 ans après l'expiration ou la prescription de la précédente peine.
L'expiration de la peine doit s'analyser comme l'exécution de celle-ci, c'est à dire que le délai de récidive légale d'un délit expire 5 ans après les points de départ suivants:
-
La levée d'écrou pour les peines d'emprisonnement fermes,qu'elles aient donné lieu ou non à une incarcération,
-
La date de paiement pour les amendes,
-
La fin d'exécution pour le Travail d'Intérêt Général,
-
La fin du délai d'épreuve pour les sursis avec mise à l'épreuve.
La difficulté porte plus la récidive d'un délit ayant donné lieu à une condamnation avec sursis, la notion de prescription de la peine devant être mise en œuvre.
Une peine délictuelle se prescrit par 5 ans, ce qui signifie qu'à l'issue d'un délai de cinq ans après que la décision du Tribunal Correctionnel est devenue définitive, la condamnation est considérée comme non-avenue. Elle est donc considérée comme n'ayant jamais existé, de sorte que l'emprisonnement avec sursis ne peut plus être mis à exécution.
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la Loi du 05 mars 2007, cette peine étant considérée comme non-avenue, elle ne pouvait servir de premier terme à la récidive.
Or, l'article 133-16 alinéa 3 du Code Pénal (article 43 de la Loi du 05 mars 2007), la Loi dispose que :
« La réhabilitation n'interdit pas la prise en compte de la condamnation, par les seules autorités judiciaires, en cas de nouvelles poursuites, pour l'application des règles sur la récidive légale. »
En l'absence de textes spécifiques sur les conséquences d'une décision réputée non-avenue, la jurisprudence en a rapproché les effets de ceux de la réhabilitation.
Il s'ensuit que non seulement condamnation avec sursis produit ses effets au delà du terme à compter duquel elle est non-avenue (soit un délai de 5 ans après qu'elle soit devenue définitive) mais elle peut constituer un premier terme de récidive... jusqu'à expiration d'un délai de 5 ans (article 132-10 du Code Pénal) qui ne débute lui-même qu'à l'issue d'un premier délai de 5 ans lié à la prescription de la peine délictuelle (article 133-3 du Code pénale).
Ainsi, une condamnation avec sursis peut paradoxalement entraîner un délai d'applicabilité de la récidive légale bien plus long (10 ans, constitué par la succession de deux délais de 5 ans) que pour des peines pouvant être considérée comme plus lourdes (emprisonnement ferme, sursis avec mise à l'épreuve, etc...)
Dans son arrêt du 14 octobre 2014, la Cour de Cassation vient rappeler que la Loi pénale s'applique de façon stricte… mais si les dispositions du Code Pénal défie quelque fois la logique et le bon sens.