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La prison pour quoi faire ?

Le 28 mars 2017
La prison pour quoi faire ?
Arguments électoraux et politiques pénales comparées
Alors que la campagne présidentielle bat son plein, les programmes en matière de justice sont exclusivement tournés vers la justice pénale, et plus particulièrement sur les peines d'emprisonnement ferme. Plusieurs candidats envisagent la création massive de places de prison. Au-delà du mythe du laxisme judiciaire, une comparaison de la situation avec d'autres pays occidentaux apporte un éclairage nouveau.
 
Au 1er juillet 2016, le nombre de personnes incarcérées en France battait un nouveau record avec 68.569 personnes détenus. Alors que la Justice est régulièrement taxée de laxisme, il y a de plus en plus de personnes dans les prisons (+ 35% en 10 ans). Parmi celles-ci, le nombre de personnes en attente de jugement (les prévenus) reste très élevé, puis qu'il vient de passer la barre des 20% de l'ensemble de détenus. Et ce, alors même que la détention provisoire devrait selon la Loi, rester une exception.
 
Ce phénomène s'explique par plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, il y a durcissement de la Loi pénale depuis plusieurs années, constitué soit par la création de nouveaux délits, soit par la modification des peines encourues (la conduite sans permis qui était une contravention est devenue un délit), soit par une modification des éléments de l'infraction (abaissement du taux délictuel en matière de conduite en état alcoolique).
 
S'agissant plus spécifiquement des infractions routières, l'augmentation des délits constatés est directement en lien avec la volonté des pouvoirs publics de procéder à des contrôles.
 
Pour plusieurs candidats, la création de places de prison supplémentaires ne constitue pas un moyen de lutter contre la surpopulation carcérale alors que le principe de l'encellule individuel s'impose depuis … novembre 2015.
 
Bien au contraire, ce choix repose sur un postulat inexact selon lequel les peines de prisons ne sont pas exécutées. Sur ce point, on rappellera que les peines qui ne sont pas toujours exécutées sont ...des amendes dont le recouvrement dépend du Trésor Public.
 
Si les peines de prisons sont exécutées, la Loi permet cependant de fixer des modalités d'exécution en dehors de l'incarcération ordinaire. La peine d'emprisonnement s'exécute alors en dehors des murs de la prison, sur décision du Tribunal Correctionnel ou du Juge de l'Application des Peines, et sous le contrôle de ce dernier.
 
Au titre de l'aménagement des peines d'emprisonnement ferme les condamnés sont écroués auprès de l'Administration Pénitentiaire. Il s'agit pour des personnes condamnées à de courtes peines, de ne pas détruire l'insertion sociale, le maintien de l'emploi et la poursuite éventuelle de soins, lesquels constituent des facteurs limitant le risque de réitération de l'infraction.
 
Ainsi, les condamnés bénéficiant d'une mesure de Placement sous Surveillance Electronique (PSE) représentent environ 15% de l'ensemble de détenus écroués en France, et bien plus au sein des Maison d'Arrêt.
 
S'il est inexact de considérer que l'aménagement de peine conduit à ne pas exécuter la peine, cela ne peut en outre justifier la création de place de détention supplémentaires puisque l'effet serait la désocialisation, marqueur de réitération d'infractions.
 
Au surplus, la construction de nouveaux établissements pour l'administration pénitentiaire semble répondre à un souci bien plus électoral que de lutte contre la délinquance.
 
Sur ce point, la volonté affichée de certains partis politiques partisans du « tout carcéral » est en complet décalage avec les choix faits par certains pays occidentaux en la matière.
 
Ainsi, en Suède (10 millions d'habitants), la lutte contre la « sortie sèche » de détention est un principe systématique puisque 100% de détenus bénéficient d'un aménagement en fin de peine.
 
L'accent a par ailleurs été mis sur la prévention et la réinsertion des condamnés, au point que le nombre de détenus a baissé de 1% par an depuis 2004, avec un pic de 6% entre 2011 et 2012.
 
Aux Pays-Bas, la situation est identique. En raison des moyens accordés à la prévention, la délinquance a chuté. Le pays se trouve confronté à une problématique inédite : pour la période 2013-18, le Ministère de la Justice vient d'annoncer la fermeture de 8 établissements. Une solution vient d'être trouvée pour l'utilisation de certaines prisons qui avaient vocation à être désaffectées : l'accueil de condamnés belges.
 
Enfin aux Etats-Unis, le « tout carcéral » a été abandonné au Texas comme dans l'Etat de New York où la population carcérale a chuté de 24% entre 1999- et 2013.
 
La prévention, argument peu vendeur en période électorale, semble pourtant être la seule voie efficace pour lutter efficacement et durablement contre la délinquance. Et si on parlait plutôt aux électeurs des importantes économies budgétaires à réaliser. 100 € par jour pour un détenu, 15 € par jour pour un condamné placé sous PSE.
 
Il paraît qu'il faut arrêter de créer de la dette...
 
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