Les notions d'Incapacité Temporaire de Travail (ITT) et de Déficit Fonctionnel Permanent (DFT) sont proches parce qu'elles recouvrent une réalité identique, mais selon des modalités différentes. L'intérêt à les opposer ne relève pas uniquement de l'aspect théorique, notamment si l'on se place sur le terrain d'une procédure indemnitaire devant la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions (CIVI).
Aux termes de l'article 706-3 du Code de Procédure Pénale, toute personne ayant subi une infraction volontaire ou non, ayant entraîné "la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel supérieure à un mois", peut obtenir la réparation intégrale de son préjudice devant la CIVI.
L'ITT est une notion relative au droit pénal , dont la dénomination peut être trompeuse puisqu'elle ne repose nullement sur les incidences éventuelles de l'infraction poursuivie par rapport à une activité professionnelle. Elle constitue une "photographie" des conséquences que l'infraction a pu avoir sur la victime peu de temps après sa commission. Son objet est de caractériser ou non l'existence d'une infraction ou d'une circonstance aggravante.
En retenant comme condition de recevabilité d'une demande indemnitaire devant la CIVI une notion de droit pénal, le texte est particulièrement mal adapté. En effet, l'ITT est généralement fixée à titre provisoire et sous réserve de l'évolution de l'état de santé.Elle ne peut donc rendre compte de façon satisfaisante de l'état de santé de la victime.
La nomenclature DINTILHAC, qui permet de préciser l'existence et l'importance du dommage corporel, retient - en lieu et place de la notion d'incapacité temporaire totale jusqu'alors utilisée - un Déficit Fonctionnel Temporaire. Ce DFT, qui peut être total (au regard notamment des périodes d'hospitalisation) comme partiel (en cas d'utilisation de fauteuils roulants ou de cannes anglaises) mesure la durée pendant laquelle la victime verra son autonomie réduite, et ce jusqu'à la consolidation médicale.
En cela, le DFT constitue un élément bien plus pertinent au regard de la recevabilité d'une procédure devant le CIVI.
L'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 19 novembre 2015 (Cass. CIVI.2, n° de Pourvoi 14-25519) apporte un éclairage supplémentaire s'agissant du DFT en cas de recours devant la CIVI.
En effet, la 2e Chambre Civile rappelle que l'ITT provisoire de deux jours retenue aux termes du Certificat Initial de Description de lésions ne se confond pas aux 2 jours de DFT Total fixés par l'expert judiciaire au regard des deux jours d'indemnisation.
Il n'y a donc pas lieu, ainsi que l'avait fait la Cour d'Appel de RENNES de considérer au regard de la recevabilité d'une procédure devant la CIVI que l'incapacité temporaire de travail réellement induite par l'infraction reposerait uniquement sur la période de DFT totale.
Il s'ensuit que la durée de l'ITT visée à l'article 706-3 du Code de Procédure Pénale doit s'entendre dans un cadre bien plus large que la seule notion de droit pénal visant à qualifier l'infraction poursuivie.
Ainsi, si l'utilisation du DFT comme "clé d'entrée" est confirmée, la durée à prendre en compte ne se limite pas au seul Déficit Fonctionnel Temporaire Total mais inclut inévitablement les éventuelles périodes de Déficit Fonctionnel temporaire Partiel , ce qui permet de retrouver fort logiquement une notion de droit civil dans cette procédure indemnitaire.
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