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Courtes Peines : La réforme en trompe l'oeil de la Loi n°2019-922 du 23 mars 2019

Le 20 juin 2019
Courtes Peines : La réforme en trompe l'oeil de la Loi n°2019-922 du 23 mars 2019
La population carcérale augmente de façon continuelle et les dispositions de la Loi du 23 mars 2019 pourraient amplifier le phénomène.

Au 1er juillet 2018, la France comptait 70.710 personnes incarcérées, pour environ 68.000 places en détention. La population carcérale a augmenté de 35% en 10 ans, sans que ce chiffre puisse être mis en lien avec un développement démographique ou un accroissement soudain de la délinquance. Que doit-on attendre des modifications issues de la nouvelle loi de programmation par rapport à la surpopulation carcérale ?


Sur les 5 dernières années, les juridictions françaises ont prononcé environ 270.000 peines d'emprisonnement. Si ce chiffre reste stable il cache la progression continue des peines d'emprisonnement ferme.


Parmi celles-ci 68% sont des condamnations pour des peines fermes d'une durée inférieure ou égale à 6 mois, dont la progression s'établit à hauteur de 9% par an.


Le principe de ces peines d'emprisonnement de moins de 6 mois n'est pas sans poser de question, sur la surpopulation carcérale comme sur leur efficacité réelle au regard du risque de désocialisation ou encore des délais d'accès aux soins en Maison d'Arrêt.


C'est sans doute ce constat qui motive l'interdiction prochaine de prononcer des peines fermes d'une durée inférieure à 1 mois.


Pour autant, cette prohibition est bien plus cosmétique que l'amorce d'un changement de paradigme.


Elle ne concerne que 10.000 condamnés par an, ce qui représente une goutte d'eau par rapport à l'ensemble des condamnations fermes prononcées.


De même, la nouvelle rédaction de l'article 132-19 du Code Pénal qui entrera en vigueur le 23 mars 2020, relève de la symbolique en précisant :


« Si la peine est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues à l'article 132-25 du Code Pénal ».


D'une part, elle ne fait que reprendre un principe jurisprudentiel contant selon lequel la possibilité d'aménagement doit être examinée par la juridiction du fond pour toute peine d'emprisonnement dont le quantum serait inférieur aux seuils fixés par l'article 723-15 du Code de Procédure Pénale.


D'autre part, près de 40 % de ces condamnations font déjà l'objet d'un aménagement soit ab initio, soit par le Juge de l'Application des Peines, sans compter les possibilités de conversion de peine au visa de l'article 132-57 du Code Pénal.


A supposer que ces évolutions aient un quelconque effet, ce dont on peut douter, elles ne feront certainement pas le poids face à la révolution que constitue la fixation d'un seuil unique de un an pour la recevabilité d'un aménagement de peine, contre deux ans actuellement si la condamnation ne porte pas sur des faits commis en état de récidive légale.


Il sera plus facile pour le Tribunal Correctionnel ou la Cour d'Appel d'interdire toute possibilité aménagement avant incarcération en prononçant une peine ferme d'une durée supérieure à un an, contre deux ans actuellement.


Cette modification est tout à fait regrettable car elle pourrait limiter certains aménagement de peine ab initio, et par l'effet de l'incarcération, réduire à néant des facteurs d'insertion sociale (logement, travail, vie de famille) qui peuvent par ailleurs permettre l'indemnisation d'éventuelles parties civiles.


On notera sur ce point que la Loi du 23 mars 2019 n'a pas entraîné de parallélisme des formes, et permet aux condamnés incarcérés d'être recevables à former une demande d'aménagement de peines sous forme de Semi-Liberté ou Placement Extérieur (723-1 alinéa 1er du Code de Procédure Pénale ) ou de Placement sous Surveillance Électronique (723-7alinéa 1er du Code de Procédure Pénale) pour tout reliquat de peine n'excède pas deux ans... y compris pour ceux qui exécutent des peines commis en état de récidive légale.


Les critères de recevabilité de libération conditionnelle, y compris lorsqu'elle constitue une mesure probatoire à un aménagement de peine sous écrou, ne sont pas modifiés.


La Loi du 23 mars 2019 n'aura probablement pas pour effet de limiter les détentions pour des courtes peines, ni la surpopulation carcérale.


Il est bien dommage qu'au lieu d'envisager la construction de places supplémentaires dans les établissements relevant de l'administration pénitentiaire, le législateur n'ait pas estimé opportun de s'intéresser à la situation des 20.000 justiciables placés sous mandat de dépôt (contre 16.500 en 2013) qui sont dans l'attente de leur jugement.


Cette augmentation continue justifie les critiques sur le bon fonctionnement du système. La peine n'est-elle pas, très souvent exécutée avant le prononcé de la décision ? Dans quelle mesure la durée de la détention provisoire impacte t-elle le quantum de la peine d'emprisonnement ?


Comme souvent, les réformes relatives aux sanctions pénales en général et à la détention en particulier manquent cruellement de courage politique et de moyens humains et financiers.


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